Mardi 30 juillet 13h30

« Deux maisons de plaisance »

La malouinière est une demeure de campagne charmante et confortable, une "maison des champs" construite par de riches négociants, corsaires ou explorateurs malouins aux XVIIe et XVIIIe siècle...

Le terme « malouinière » est apparu pour la première fois en 1703 mais ne devient courant qu’au début du XXe siècle où il remplace les termes « maisons des champs », « maisons de plaisance » ou « gentilhommières ».
Sur les 200 à 300 malouinières ayant existé, nombre d’entre elles ont aujourd’hui disparu. L’Inventaire général des monuments français publié en 1975 en recense 112, principalement dans le Clos-Poulet (Pou Alet, la région d’Aleth).

Dès le XVIe siècle Saint-Malo est un port mondial dont la richesse repose sur la pêche à la morue à Terre-Neuve, l’exportation des toiles de Bretagne et le commerce avec l’Espagne. A partir du XVIIe certains armateurs amassent des fortunes considérables avec la « Course » (guerre navale contre les anglais et les hollandais, autorisée par l’Amirauté Française qui délivrait aux armateurs des lettres de marque), le commerce maritime avec les Pays-Bas (Delft), l’Italie (marbre), l’Espagne (cuir), le Chili et le Pérou (métaux précieux). Ils acquièrent également des privilèges dans la Compagnie des Indes et développent aussi le commerce triangulaire Afrique- Antilles-Europe (trafic d’esclaves).

La plupart des malouinières furent construites entre 1650 et 1730 dans un rayon de 12 à 15 km autour de Saint-Malo par les « Messieurs de Saint-Malo » insatisfaits de l’espace exigu de la ville « intra-muros » (qui ne représentait que 18 hectares pour 20.000 habitants en 1750) mais qui souhaitaient rester à proximité de la sécurité des remparts de la ville en cas de visite impromptue des Anglais, tout en étant à la campagne, au maximum à une heure de cheval de la ville et de leurs activités professionnelles. Cela leur permettait également de vider discrètement leurs bateaux revenus des Indes d’un contenu précieux avant l’arrivée des percepteurs d’impôts du Roi. Les murs des malouinières étant très épais, ils servaient souvent de cachette pour les soieries indiennes ou chinoises par exemple qu’il était interdit d’importer sous Louis XIV.

L’influence de Garangeau, disciple de Vauban et directeur des fortifications de Saint-Malo, sera très nette dans l’architecture de ce nouveau type de demeure noble. Ces malouinières étaient le plus souvent construites en pierres de pays enduites d’un crépi. La façade a une symétrie à l’horizontale et à la verticale. Les toits très hauts ainsi que les cheminées sont très caractéristiques, copiés sur ceux des grands hôtels situés dans les remparts. Symbole de leurs richesses, ces maisons sont entourées de jardins à la française, souvent avec des bassins, des pièces d’eau. L’intérieur des malouinières contraste avec leur apparence austère : boiseries sculptées, dallage de marbre, toiles peintes des Indes, papiers peints panoramiques. Le mobilier évoque les voyages des navires : commodes et buffets en bois des îles, vaisselle en porcelaine de Chine et du Japon, plats en argent du Pérou. On y trouve fréquemment des pigeonniers qui permettaient aux armateurs d’entretenir des communications avec les ports où leurs bateaux faisaient escale.

Malouinière de La Motte Aux Chauff,
à Saint-Coulomb

La malouinière actuelle a été construite en 1660 (inscription sur le linteau de la porte nord) à l’emplacement d’un très ancien manoir daté des années 1030 ayant appartenu à la famille Le Chauff, par les Groult de La Motte descendants d’une famille des Pays-Bas établie en 1430 à St-Malo.

Jusqu’en 1920, une rabine triple de chênes menait à la demeure. Le corps de logis est rectangulaire et couvert d’un grand toit à croupes, à deux pentes, encadré par de

 

hautes cheminées à épaulement. Il se caractérise par une façade percée de trois travées verticales, avec un étage et des lucarnes de toiture aux frontons arrondis. Le logis était flanqué de deux pavillons, seul l’un d’eux subsiste ; du second ne restent que les ruines d’un pan de mur. A l’intérieur, un magnifique escalier de bois occupe le tiers de la maison.

Derrière le manoir, un gros chêne de 600 ans présente une cicatrice encore visible sous forme d’un bourrelet datant de 1789 : des révolutionnaires tentèrent en vain d’abattre ce géant. Un jardin à la française agrémente le lieu.

La Motte-aux-Chauff est le premier exemple de la maison de plaisance de plan et de composition symétriques dont le modèle se diffuse rapidement dans le Clos-Poulet : au Manoir du Blessin à Saint- Méloir-des-Ondes vers 1665, au Petit-Lévy à Paramé en 1667.

Pendant la guerre de 1914-1918, la propriété servit de maison de convalescence aux blessés de guerre.

 

 

Manoir de la Belle-Noë, à Dol de Bretagne

Belle-Noë est un manoir édifié en 1710 par le chevalier Georges de la Haye, seigneur d’Andouillé et de Cesson. Il se situe à Dol de Bretagne, à mi-chemin entre Saint-Malo et le Mont-Saint-Michel. Il fut la maison natale de Jean-Baptiste-Henri Durand-Brager (1814-1879), peintre de marine et grand reporter, dessinateur et auteur. En 1826 il devient la propriété de Robert Surcouf. Délaissé par la suite, le manoir est occupé par les anciens métayers, devenus propriétaires en 1922, qui l’utilisent comme bâtiment agricole.

Jusqu’à son rachat par les propriétaires actuels, en 2005,

Belle-Noë se trouvait dans un état d’abandon. La couche du palefrenier dans l’écurie, les deux fours à pains dans l’ancien fournil, les planchers « à la malouine » et l’ancien évier au sol dans la cuisine étaient restés tels quels.
Le corps central du logis est flanqué de deux ailes latérales inscrites en saillie légère. La porte principale du manoir est ornée d’un fronton simple. Les gerbières sont placées en créneau au sommet du mur gouttereau. Le manoir comporte également des dépendances, un puits, les vestiges d’un portail d’entrée, deux terrasses, des murs de soutènement et des fossés. Il possédait jadis une chapelle privée aujourd’hui disparue.

Son architecture extérieure (pont dormant enjambant une cour anglaise desservant les communs du rez-de-chaussée) et intérieure (petit couloir passant derrière un salon) témoignent d’une époque où les classes de la société vivaient ensemble sans se mélanger…

Salons, salle à manger ont été restaurés en conservant les décors d’origine. Les chambres sont toutes lambrissées de boiseries d’époque. Le grand grenier en charpenterie de marine ressemble au pont inférieur d’un navire du XVIIIe siècle.

Le manoir est inscrit aux monuments historiques depuis 2006.